Les magnétoscopes de Poitiers - 16 ans après

C’est une belle idée à la con (et les cons ça ose tout) qu’a eu là Lolo Fafa alors ministre de l’économie. Quoi de plus judicieux que de mettre une mesure protectionniste débile pour contrer l’importation ? Débile parce que fallait-il avoir une industrie locale pour produire les produits tant demandés ce qui n’a jamais été le cas. Mon article devait paraître en 1998, il m’a fallu quand même 18 années supplémentaires de réflexion pour le mettre enfin en ligne. Mes recherches récentes sur internet furent assez fructueuses.

Quand au format 8 mm, cela relève du sinistre gag car non seulement, c’est Sony (Japon) qui l’a finalement lancé et bien que de meilleure qualité que le VHS-C de l’époque, sa pérennité n’a pas été assumée par Sony qui l’a torpillé non seulement en intégrant des condensateurs de moindre coût et pourris dans ses camescope. Le naufrage du 8 mm a été accéléré avec l’introduction de la cassette Dv. Sony a beau avoir lancé le Digital 8 compatible en relecture avec le 8mm et le Hi8 analogiques, les ventes confidentielles ont tôt fait d’ensevelir ce format. Au delà de la non pérennité du format, se pose le problème de la relecture des vidéos familiales hélas perdues si les propriétaires n’ont pas pris soin de reporter sur des supports digitaux pérennes comme les DVD ou les cartes mémoires. Aujourd’hui (2016), il est trop tard pour se procurer une machine 8mm / Hi8 / D8 encore en état de fonctionner.

Extrait de Wikipedia concernant la chaîne CANAL + : Certaines décisions visent également à protéger la toute première chaîne privée française. Entre 1982 et la naissance de Canal+, le gouvernement français met en œuvre en parallèle, une série de mesures visant à freiner la croissance du marché de la vidéo ; un succès engendré par la faible offre télévisuelle de l’époque. Parmi les mesures qui permettent de freiner cette expansion, le 22 octobre 1982, un « blocus de Poitiers » vise à réduire considérablement l’importation des magnétoscopes, notamment d’origine asiatique. De plus, une redevance spéciale sur les magnétoscopes est adoptée par décret, le 17 novembre 19823. Enfin, une TVA dite « de luxe » à 33 % est appliquée pour tous les appareils vidéo et même les vidéocassettes préenregistrée. Au contraire, les décodeurs de Canal+ sont assujettis à la TVA la plus réduite, à l’instar de celle appliquée pour les téléviseurs


http://www.la-croix.com/Actualite/E... La Croix

Le 22 octobre 1982, Laurent Fabius met en place le blocus des magnétoscopes japonais Hélène Fargues, le 11/04/2012 à 17h40 Le blocus des magnétoscopes japonais a gelé très provisoirement le marché.

Cette nouvelle « bataille de Poitiers » engagée par le gouvernement n’a pas permis l’émergence d’un secteur électronique grand public tricolore.

Le 22 octobre 1982, le ministre du Budget, Laurent Fabius, signe un arrêté pour contraindre les importateurs à ne plus dédouaner leurs magnétoscopes dans les ports mais au centre de la France, à Poitiers. Dans la foulée, une redevance similaire à celle appliquée à la télévision est prélevée sur les magnétoscopes.

Ces deux mesures, qui visent à limiter l’afflux des produits japonais et à protéger le secteur de l’industrie de l’électronique grand public française, ont un énorme écho. La presse parle d’une nouvelle « bataille de Poitiers », en référence à celle de 732, quand les Francs et les Aquitains avaient arrêté les Sarrazins venant d’Espagne. Un débat sur le « néoprotectionnisme » à la française est lancé.

À l’époque, le gouvernement socialiste n’a pas encore abandonné la politique engagée après l’élection de François Mitterrand : chercher à redynamiser la croissance en misant sur l’augmentation du pouvoir d’achat, avec comme mesure emblématique l’augmentation du smic. Le magnétoscope, symbole des produits importés à forte valeur ajoutée

« La France était la seule à mener une politique de relance de l’économie, alors que le reste des pays européens avait choisi l’austérité, en relevant leurs taux d’intérêt, sous la pression de la Grande-Bretagne et des États-Unis », rappelle Henri Sterdyniak, directeur du département économie de la mondialisation à l’observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Problème : ce surcroît de pouvoir d’achat a un effet pervers. Elle conduit à accroître la part des produits importés – notamment de produits qui ne sont pas de première nécessité – et à creuser le déficit du commerce extérieur. Pour agir contre l’arrivée massive des produits japonais sur le marché français, compétitifs aussi bien dans le secteur automobile qu’électronique, le gouvernement décide de s’attaquer aux magnétoscopes. En 1981, il s’était vendu 260 000 appareils en France. Un chiffre porté à 665 000 en 1982.

Les autorités décident alors que tout magnétoscope importé doit passer pas les douanes à Poitiers, alors que 90 % des magnétoscopes importés sont d’origine japonaise. À Poitiers, les douaniers inspectent systématiquement les cartons, ce qui contribue à retenir les appareils quatre à cinq mois avant leur vente en magasin. Manque à gagner en TVA

La mesure semble à première vue fonctionner. La ruée vers les magnétoscopes est enrayée. Les importations sont divisées par dix. Cela permet à l’État d’économiser des centaines de millions de francs de devises. Toutefois, à y regarder de plus près, la chute des ventes n’est pas due au seul blocus de Poitiers. Elle s’explique avant tout par l’arrivée d’un nouveau standard de magnétoscopes, en 8 mm, et par la baisse du pouvoir d’achat consécutive au plan de rigueur de mars 1983.

Au final, les observateurs à l’époque relèvent surtout que l’État a enregistré un considérable manque à gagner en termes de rentrées de TVA. Surtout, la mesure, censée préparer le terrain au champion national, Thomson, récemment nationalisé, n’a pas l’effet escompté. Thomson est aussi… le premier importateur de magnétoscopes.

Le blocage des appareils est d’ailleurs levé un an plus tard, par Édith Cresson, ministre du Commerce extérieur, après que les Japonais ont accepté de signer un accord d’autolimitation avec les Français. L’électronique ne décolle pas

Au final, la mesure se révélera d’une grande inefficacité. « Les industriels français n’ont pas profité de cette niche ouverte par le gouvernement, juge Henri Sterdyniak. Ils ont estimé que les différences de coûts de production entre la France et le Japon étaient de toute manière trop importantes ». La suite est connue : le secteur de l’électronique grand public n’a jamais décollé en France. Et le magnétoscope a disparu. Hélène Fargues


http://www.leconomiste.eu/decryptag...

Laurent Fabius contre les magnétoscopes japonais

25 novembre 2015

Le 22 octobre 1982, le ministre du Budget, Laurent Fabius, signe un arrêté pour contraindre les importateurs à ne plus dédouaner leurs magnétoscopes dans les ports, mais au centre de la France, à Poitiers. De plus, une redevance est prélevée sur les magnétoscopes.

Ces deux mesures ont pour but de protéger l’industrie électronique française contre l’afflux des produits japonais (Matsushita, JVC, Toshiba, Hitachi, Mitsubishi, etc.), qui représentent 90 % des magnétoscopes importés. En 1981, il s’en était vendu 260 000, puis 660 000 (soit deux et demi fois plus) en 1982. Au-delà de la dimension juridique de la manoeuvre, les douaniers de Poitiers ont pour consigne d’inspecter chaque carton, retenant ainsi les appareils quatre à cinq mois avant leur vente en magasin.

L’arrêté a un énorme retentissement politique : la presse évoque une nouvelle « bataille de Poitiers », en référence à celle de 732, quand les Francs et les Aquitains avaient arrêté les Sarrazins venant d’Espagne et lance le débat sur le renouveau du protectionnisme à la française. Cette décision était toutefois cohérente avec la première phase du premier septennat de Mitterrand, vouée à la relance par le pouvoir d’achat, avant le fameux tournant de la rigueur de 1983. En effet, le soutien de la demande engendre un déficit de la balance commerciale (plus d’importations que d’exportations), d’où la tentation de contraindre les importations au profit des producteurs nationaux.

La mesure protectionniste semble de prime abord fonctionner, mais la chute des ventes est en fait liée à l’irruption d’un nouveau standard de magnétoscopes ainsi qu’à la baisse du pouvoir d’achat consécutive au plan de rigueur de mars 1983. Tout compte fait, son bilan est plutôt négatif : elle a fait diminuer les recettes de TVA et elle n’a pas favorisé le champion national, Thompson, qui préfère importer ses magnétoscopes. Les industriels n’ont pas profité de la mesure parce qu’ils estimaient que le Japon disposait d’un avantage absolu trop important (faible coût de production, notamment). Le blocage des magnétoscopes est levé un an plus tard par la ministre du Commerce extérieur, Édith Cresson, dans le cadre d’un accord d’autolimitation avec le Japon.

Citation

Romain Treffel, « Laurent Fabius contre les magnétoscopes japonais », analyse publiée sur « leconomiste.eu » le 25/11/2015. Anecdote économique extraite du recueil intitulé « 50 anecdotes économiques pour surprendre son auditoire ».


http://referentiel.nouvelobs.com/ar...